Programme spécial

Bourses de l'Académie pour la relève

ARIEL ST-LOUIS LAMOUREUX

Jeune, jamais je n’aurais pensé devenir réalisatrice, en faire un métier. J’ai étudié en théâtre au secondaire et comme j’avais l’intention d’être journaliste, je me suis inscrite en communications au cégep… mais je me suis vite rendue compte que ce n’était pas pour moi. Livrer une nouvelle en une journée après avoir parlé brièvement aux intervenants, non merci.  Ça allait beaucoup trop vite à mon goût, et pas assez en profondeur. Cela dit, durant ma formation, il y avait deux cours plus orientés vers le cinéma, en documentaire et en fiction, et j’ai vraiment tripé sur l’écriture documentaire, qui me ressemblait bien davantage que celle plus journalistique. Et comme j’étais déjà assez habile en montage, ayant fait de nombreux petits films avec Windows Movie Maker plus jeune, et que j’étais bonne pour comprendre la lumière, j’ai bien performé dans ces cours-là. Ça m’a encouragée à nourrir mon intérêt pour le cinéma. Je participais à des soirées qui s’inspiraient des Kino assez régulièrement.

En sortant du cégep, je me suis inscrite au bac en scénographie, pour exploiter mon amour du théâtre. Et pendant mes études, j’ai fait un film! Un premier moyen métrage documentaire indépendant, 100 % autoproduit. Pourquoi on fait ça? Parce qu’on est jeune et plein d’énergie! Ça a été une expérience absolument géniale, ma vraie école documentaire et de cinéma. Pendant la conception du film, j’ai eu beaucoup de questionnements éthiques face à la relation cinéaste/personne filmée. À un point tel que ça m’a poussée à en faire un sujet de maîtrise : j’ai voulu lire sur cette thématique-là, et tester ces questionnements dans le cadre du « documentaire collaboratif ».  

Vers la fin de ma maîtrise, j’ai entendu parler de cette bourse de stage offerte par l’Académie. Je ne savais même pas si j’étais éligible mais je me suis essayée. Ma directrice de maîtrise, Marion Froger, a écrit une lettre de recommandation incroyable, j’ai fini par passer l’entrevue pour la sélection… et on m’a sélectionnée!

J’avais envisagé plusieurs cinéastes pour mon stage, mais deux personnes de mon entourage m’ont parlé de Chloé Leriche, elle qui venait d’avoir du financement pour son prochain film. Je trouvais intéressant de collaborer avec une réalisatrice de fiction, moi qui suis une fille de documentaire. Alors j’ai rencontré Chloé en février 2020 et ça a cliqué. Elle m’a dit : « Tu tombes du ciel, j’ai tellement de travail! » 

Crédit photo : François Couture

C’était tellement enrichissant de travailler sur un film de cinéma d’auteur d’aussi grande envergure! Quel projet complexe, dans lequel j’ai fini par trouver mon utilité. Presque tous les jours, pendant les mois qu’a duré le stage, je suis allé travailler avec Chloé. Elle m’expliquait les étapes du projet, où on en était, ce qu’il restait à faire. On a travaillé ensemble sur la coordination avec les autres collaborateurs du film, j’ai fait la tournée d’auditions dans la communauté Atikamekw de Manawan, participé à la rédaction des demandes de subvention, contribué à la recherche visuelle et au repérage des lieux. On a développé des outils de gestion. On a mis sur pied un programme de stages pour que des jeunes et moins jeunes de la communauté puissent participer comme main-d’œuvre. On a parti un projet photo en parallèle du film — inspiré d’un fait vécu —, pour que les protagonistes puissent en discuter. J’ai fait un dépouillement du scénario pour évaluer les besoins en lieux et en casting. Et la Covid a amené son lot de problèmes aussi! Passer des auditions en extérieur en novembre avec des contraintes de distanciation sociale, c’est quelque chose… 

Avec le temps, Chloé est devenue une mentor. Elle a eu la générosité de me présenter toutes les facettes de son travail, du logiciel qu’elle utilise pour écrire son scénario jusqu’à la façon d’agir dans les réunions avec ses producteurs. Elle m’a raconté les difficultés qu’elle avait eues dans ses autres films et m’a fait rencontrer plein de gens du milieu. Encore aujourd’hui, même si mon stage est fini, je lui parle de mes projets, elle m’écoute et me guide. Et comme elle connaît mes force et mes faiblesses, comme je connais bien son film, quand elle a besoin d’aide, elle aussi m’appelle pour me demander mon avis… ou pour m’engager pour des tâches précises. 

Tout ce que j’ai appris pendant ce stage me donne plus de confiance comme réalisatrice, et a diminué mes appréhensions concernant la fiction ou le docu-fiction. Ça m’a apporté un niveau de professionnalisme dans ma pratique. 

Le match avec Ariel était vraiment parfait, on a une très belle communauté d’esprit. Au moment où elle est arrivée dans le projet SOLEILS ATIKAMEKWS, j’étais en démarrage, alors elle m’a aidée à plusieurs niveaux : artistique, administratif, logistique, même technologique. En un mot, elle m’a permis d’upgrader mon film. J’aimais dialoguer avec Ariel, elle a été et est toujours une alliée incroyable; après 400 heures avec moi, elle est la personne qui connaît le mieux le projet après moi, alors j’étais heureuse de compter sur une égale pour briser ma solitude et faire rebondir mes idées.  Et l’énergie de quelqu’un dans la vingtaine qui débarque, ça fait du bien, surtout en temps de pandémie. Message à l’Académie : je prendrais une autre stagiaire dès maintenant! 

— Chloé Leriche, réalisatrice