Programme spécial

Bourses de l'Académie pour la relève

DANI.KA VERMETTE

En secondaire 2, à l’école Le Triolet de Sherbrooke, j’aimais beaucoup mon prof d’éthique. Un jour, je lui ai dit que j’adorais écrire et il m’a offert de commenter mes textes. Je lui ai donc fait lire un roman fantastique que j’avais écrit à 14 ans. Selon lui, mon écriture était très cinématographique et il m’a donc mis au défi d’écrire un scénario et de réaliser un film à partir de celui-ci. C’est comme ça que le cinéma est entré dans ma vie! J’ai tourné le film, qui mettait en scène une invasion de zombies à l’école. J’ai adoré créer une histoire à partir de rien, inventer un monde et me plonger dedans… J’ai aussi énormément aimé l’esprit communautaire d’un plateau, le fait qu’un film soit une création véritablement collective.

Après cette expérience, je me suis mise à regarder beaucoup, beaucoup de films, pour développer ma culture cinématographique d’ici et d’ailleurs. C’est à ce moment que j’ai découvert les films de Xavier Dolan et de Chloé Robichaud, entre autres. Puis, à la fin de mon secondaire, je me suis inscrite en Art et Technologie des Médias, au Cégep de Jonquière, en post-production. Là-bas, j’ai recommencé à faire des films, une fois par mois, dans le cadre de projections Kino.

En 2015, j’ai obtenu un remplacement de six mois comme assistante-monteuse dans une boîte de post-production et je me suis rendue compte qu’à 21 ans, je n’étais pas prête à faire du 9 à 5. Et comme j’avais envie de donner suite à mes aspirations de réalisatrice, je me suis inscrite l’automne suivant en Film Production à l’université Concordia. Là-bas, je me suis rendue compte que je n’étais pas prête à faire des films! (rires) Il me restait tellement de choses à apprendre… Mais bon, on devait quand même réaliser deux films dans le cadre de notre formation, ce que j’ai fait avec mes collègues de classe. J’étais très stressée, mais j’ai eu beaucoup de plaisir les deux fois. Et, cerise sur le sundae, mes deux films ont été sélectionnés dans des festivals : Danser sur les eaux a notamment été présenté à Image+Nation et au National Film Festival for Talented Youth de Seattle, et Une mêlée à trois a été vu dans une dizaine de festivals, dont à Dubaï.

Au moment où j’allais finir mon cours à Concondia, j’ai vu une pub commanditée sur Facebook de l’Académie, qui enjoignaient les finissants en cinéma à appliquer pour une Bourse de la relève. Je me suis dit que ce serait une belle occasion de rencontrer des professionnel.le.s et d’apprendre de nouvelles facettes du métier.

Je ne m’étais pas trompée!

Crédit photo : François Couture

J’ai envoyé des demandes à plusieurs femmes œuvrant dans le cinéma de fiction — mon amour du cinéma prend racine dans la création — et les premières à me répondre ont été Maria Gracia Turgeon et Annick Blanc, productrices chez Midi la nuit. Nous sommes allées prendre un café et ça a cliqué!  

J’ai commencé mon stage avec elles en janvier 2020; en mars, notre vie a été chamboulée, comme on le sait, alors tout s’est poursuivi sur Zoom : étude de budgets, demandes de financement, création d’un nouveau site Web, rapports de coûts, etc. Une grosse partie de mon travail a été d’être assistante pour les auditions du prochain film d’Anick Blanc, Grand Nord. J’ai aussi fait un casting sauvage pour l’un des personnages.

J’ai tellement appris durant ce stage! Notamment que, pour faire un long-métrage, il faut remplir beaucoup de feuilles Excel! (rires) Et il y a des milliards de petits détails qui n’ont pas rapport à la création mais qui sont tout aussi incontournables, comme le respect des normes Actis, par exemple. Ça, on n’apprend pas ça, sur les bancs d’école.

J’ai observé Anick travailler avec les comédiens pendant les auditions et quand j’ai eu moi-même à travailler avec des comédiens par la suite, je me suis surprise à utiliser ses trucs et ses enseignements!

Honnêtement, le plus gros impact de ce stage, c’est de m’avoir ouvert les yeux sur la production. Jamais je n’aurais pensé que naîtrait ce désir d’être productrice, mais c’est ce qui est arrrivé. J’ai compris que c’était à ma portée. Ce qui fait que j’ai récemment entamé des démarches pour enregistrer ma propre boîte de prod. Je suis aussi en train de travailler à un dépôt pour obtenir une bourse du programme d’aide à la création émergente de la Sodec, pour produire le documentaire d’un de mes meilleurs amis.

Ce stage m’a donc amenée à des endroits où je pensais pas aller! Ce qui fait que désormais, j’aimerais être à la fois productrice et réalisatrice de films. De me pitcher corps et âme dans mes propres affaires comme réalisatrice, d’y laisser mes tripes, mais aussi d’aider quelqu’un d’autre à concrétiser son propre « laissage de tripes » avec une approche plus rationnelle et cartésienne, dans un rôle de productrice. J’ai donc plus le choix : je dois devenir amie avec la Sodec et Téléfilm Canada (rires)!

Bref, pour un.e jeune, il n’y a aucune meilleure façon d’apprendre que de s’inscrire à cette bourse pour la relève. En baignant dans un environnement professionnel, tu accélères ta compréhension du travail. Et, soyons honnête : le cinéma et la télé, ce sont deux grosses bibittes, deux « systèmes » au sein desquels il est difficile de faire sa marque, quand on débute dans l’industrie; alors, en côtoyant des gens qui y sont déjà, tu gagnes du temps. Tu rencontres plein de gens, tu brises des barrières. Tu sais, moi, je suis plutôt timide, alors j’étais bien impressionnée de travailler avec Maria et Anick, qui ont été nommées aux Oscars! (rires) Mais finalement, elles sont super faciles d’approche, elles n’ont pas du tout la grosse tête, alors j’ai pu en quelque sorte vaincre cette appréhension que j’avais. C’est précieux, ça aussi!

Passionnée d'histoires et de métaphores, Dani.ka Vermette travaille présentement en tant que monteuse pour Radio-Canada. Elle est en post-production pour la websérie U-Hauling, financée par le programme de TV5/Unis TV Créateurs en Série. Dans ses projets, elle s’intéresse aux réalités queer et féministes d'aujourd'hui et de demain.